janvier 02, 2005

Migraines de Stars

- Qu'est-ce que tu veux faire quand tu seras grand?
- Autiste peintre en batiment.

ACcRoc



C’est sans doute guidé par le dépit, et par une irrépressible soif d’argent, de réussite, et de revanche à prendre, que j’ai ouvert ce cabaret alternatif. A cette époque, nous sommes à la fin des années 80, Mitterrand est élu pour la dernière fois, je porte un badge « Pas touche, mon pote », bref je m’ennuie profondément. Parfois, ce que l’on prend pour de la nonchalance n’est en réalité qu’une existence d’indécision. Je n’ai aucune envie de travailler, je lézarde de troquets en bars, de verres vides en coupes pleines. Par obligation sociale, un jour par semaine je me rends à l’ANPE. Ce jeudi-là, descendant la rue des Curés, je remarque, pendouillant à une fenêtre en bois, une pancarte sur laquelle est inscrit : « A VENDRE ». Un vieux local à l’abandon – une ancienne charcuterie, d’après l’odeur qui inonde l’air – je fouille mes poches, qui, comme les sacs de certaines jeunes filles, regorgent de trésors et de mouchoirs inestimables. Je prends note du numéro de téléphone sur un vieux ticket de bus, et inscrit en tremblotant le nom de l’agence immobilière.



En juillet 1988, L’Ange King (en hommage au groupe de rock planant Ange, et à Elvis Presley) ouvre sa porte. J’en suis à la fois le physionomiste, myope, le barman, alcoolique, le metteur en scène, incompétent. Accessoirement, je m’occupe des lumières, du son, de la caisse, de la cuisine… Pour quelqu’un qui vénère plus que tout l’oisiveté, cette débauche d’énergie est excessive. A l’origine, l’Ange King ne présente qu’un seul numéro : le travesti. Ayant quelques traits de ressemblance avec Barbara Streisand (le regard, d’après Momo, un habitué de la discothèque L’Equinoxe et ancien ophtalmologiste) j’interprète ce rôle chaque soir pendant près de deux heures : un show à l’américaine, l’accent en moins. Un premier article paraît dans Le Palindrome Libéré, intitulé : « Le patron est devenu folle ». Premier succès, le public vient en nombre, quelques pontes locaux me remarquent (un soir d’affluence je tutoie même le maire). Momo, alors que nous dansons la lambada dans la salle karaoké de l’Equinoxe, loue mes talents d’imitateur, j’élargis mon champ d’activités : je deviens tour à tour imitateur (spécialiste français des présidents de la IVème République), ventriloque pétomane (une tenue par soirée), ancien nain (je suis relativement crédible en ancien nain), dresseur de tigres en papier, chanteur mal engagé et clown gay.



En 1990, après deux années exténuantes, je lance un grand casting, destiné à recruter des artistes inconnus, débutants, malléables et peu exigeants. Des centaines de personnes se présentent donc. Des minables, des tarés, des médiocres, des nuls, des incompétents, des incapables… J’hésite à modifier l’enseigne : Le cabaret des ratés me semblant alors mieux approprié.











Suite à un arrêté préfectoral, et quelques légers malentendus avec la maréchaussée, mon cabaret n’ouvre plus que de 14 heures à 20 heures. En plus de la qualité miteuse de mon équipe s’ajoute une clientèle de chômeurs, de parasites, de marginaux qui quémandent des tournées gratuites, mais à qui je fais les poches.














Le 5 janvier 1991, j’achète un cadenas, ferme la porte à clé, jette la clé sous la porte, et vends mon local à un client manchot qui n’avait jamais hésité, lors des happy-hours, à s’en jeter un par dessus l’épaule.

Dj Zukry, 2 janvier 2005,Palindrome.


6 Comments:

Blogger Valancy Jane said...

I wish I spoke french so I could read what your write on this site.

4:45 PM  
Anonymous Anonyme said...

Quel dommage que je ne comprenne pas la langue de Niepce ! Sinon j'aurais compris pourquoi vous avez mis deux fois cette image qui ressemble à un tableau de Caillebotte.
Même sans son, vues du bureau, vos strass et paillettes du mois scintillent sur mon écran voué aux statistiques.

paTTrice

11:47 AM  
Blogger ACcRoc said...

Rien ne vous echappe cher Jean-Claude.
En effet, une erreur d'inatention s'est glissée dans ce blog et vous avez su la reconnaitre.
Je la reconnais egalement.
Mais pour me venger, car je suis revancharde, j'ai AJOUTE une nouvelle photo ahahahahahahahahahhahaahahahahhahahahahahahahah qui était celle des petits rats boteurs de l'opéra prévue initialement.
A vous de la trouver, et vous la trouverez! Quitte à revenir sur votre lieu de travail tout le week-end!

AHAHAHAHAH je suis MECHANTE et machiavelique...

1:23 PM  
Anonymous Anonyme said...

Il vous arrive de faire une photo bien exposée, bien cadrée avec un premier plan, un arrière-plan, un décor au fond, composée selon la règle 2/3 1/3, sans pétouille ni rayure et qui se passe dans un jardin, sur une place publique ou lors d'une première communion ?

Jean-Claude Dusse

8:39 PM  
Blogger ACcRoc said...

Si.

Sortez de chez vous, montez dans votre voiture, demarrez, roulez, tournez à droite, entrez dans le jardin public le plus proche, garez vous sur la pelouse interdite, attendez qu'un groupe de communiantes arrive pour la photo de groupe, prenez des mesures, abaissez le pare soleil, regardez vous dans le miroir qui s'y trouve, clignez des yeux.
Une deuxième fois car vous n'êtiez pas vraiment sur de l'exposition et de l'ouverture diaphragme (la pillule pas avant 15 ans Jennifer!).

Voilà.
Magnifique cliché Jean-Patrice.
Vous m'en ferez une copie?

11:39 PM  
Anonymous Anonyme said...

Alors vous êtes venue vous oxyder au pays des endives, sans me voir, c'est un comble. Il est vrai que vous êtes mi-graine de star... Avez-vous fait des photos ?

9:13 PM  

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