janvier 21, 2005

RePOSE



Vous vous apprêtez à passer une bonne soirée. On imagine. Enfin, pas une bonne soirée entre amis dans un bar enfumé avec joueurs de fléchettes et pochtrons qui vous hurlent dans l’oreille que vous êtes un vrai pote, un vrai de vrai, et qu’ils adorent votre style, tu prends quoi c’est moi qui offre, non. Je veux dire une vraie bonne soirée. Tout seul. Je veux dire une vraie bonne soirée tout seul comme celle de la veille et de l’avant-veille, une soirée sans surprise, où vous allez bouquiner jusqu’à plus d’heure, avec la douce sensation de perdre votre temps, de gâcher votre vie par paresse, mais que faire d’autre à trois heures du matin ? Donc vous vous apprêtez à passer ce genre de soirée sans surprise quand soudain, surprise, une amie photographe vous demande un texte pour accompagner quelques clichés. Ah. Vous ne savez pas dire non, alors vous dites oui, pourquoi pas, sur quel thème ? (Oh, soyons honnête, dans un sens ça vous arrange un peu : enfin une soirée qui ne se déroule pas exactement comme prévu, enfin un petit caillou dans l’engrenage, sous vos airs de fainéant vous avez une âme d’aventurier, un petit frisson vous parcoure les omoplates : mon Dieu mais que va-t-il se passer maintenant ?)
Alors elle vous répond : « Repose. Des gens qui se reposent, quoi… » Et là vous trouvez ça génial, grande idée, c’est tout moi ça, vous voyez déjà votre petit texte tout fait, sans effort, il y a tellement à dire sur le repos, sur la paresse, sur l’oisiveté, les soirées d’hiver avec une ampoule de 60 watts qui grésille en guise de feu de cheminée, les après-midi d’automne à regarder voler les feuilles mortes en se promenant dans les sous-bois, très rousseauiste, les terrasses de café pleines de jambes en été, rien dans la tête et rien dans les poches, rien à faire d’autre qu’écouter ses cheveux tomber, les réveils poussifs au beau milieu de l’après-midi, la vie qu’on voit passer en robe de chambre, un reste de lasagnes au micro-ondes, je ferai la vaisselle demain, les pantoufles déchirées par vos ongles d’orteils rarement coupés, il y aura tout ça dans votre texte, vous le voyez déjà, c’est à peine si vous n’êtes pas en train de le lire. Ah ! Votre enthousiasme n’a plus de bornes, vous n’avez qu’à laisser venir les mots pour qu’ils s’alignent bien sagement, ah les cons, c’est vraiment trop simple, ce n’est même plus amusant. Mais l’heure tourne, c’est bien beau de jubiler, il va falloir s’y mettre. Allez, vous vous installez bien confortablement devant votre ordinateur, pas trop confortablement non plus, je veux dire pas comme quand vous lisez le dernier Jaenada, par exemple, vous ouvrez une nouvelle page dans Word, le curseur clignote en haut à gauche, ce sont des clins d’œil, il vous attend, soumis, c’est à vous de jouer. Il n’y a plus qu’à trouver la première phrase. Voilà.
Oui.
Hum.
La première phrase.
Voyons, voyons.

Bon, sinon, y’a quoi à la télé ?



Rapharel Juldé. Même jour, même heure.


















































































(Ni fait ni à faire.
ACcRoc)



janvier 13, 2005

Là où y'a de la neige, y'a pas de plaisir.




J’apprends avec effroi que parmi tous ces blogs qui me donnent des cernes, il en existe un dont le directeur part en vacances à la montagne.
Il est vrai que cet
énergumène, que je citerai puisque, magnanime, je ne l’héberge pas dans mes liens, possède un patronyme qui sans aucun doute, ne lui permet absolument pas d’avoir le libre arbitre quant au lieu de ses loisirs hivernaux. Allez donc faire un petit tour du côté de son "courriel" et vous découvrirez que ce triste personnage qui affectionne les tableaux de bord, les pinèdes et les cadrages photographiques psychorigides n’a tout simplement pas d’autres choix pour se divertir par les temps qui courent que de, et ça n'a rien de sexuel, planter le bâton.
Pour Jean-Claude, car vous aurez bien sûr deviner son prénom sans trop de difficultés si vous aimez et appréciez, tout comme moi, les films d’auteur, pour Jean-Claude disais-je, les sports d’hiver et le plantage de bâton qui en résulte, représente ce que l’on nomme communément dans le domaine des pathologies psychiatrique : le syndrome du syndicat d’initiative de St Véran. Ce syndrome fut découvert en janvier 1982 par le professeur Azar alors qu’il passait quelques jours de repos bien mérités dans la commune de St Véran (O5) qui est, et à juste titre, la bourgade la plus haute de France (2040 m d’altitude). Durant ce séjour, le professeur s’aperçut qu’un nombre considérable de vacanciers, tous issus de Paris (et sa région), s’amassait chaque jour dans le syndicat d’initiatives de St Véran, et en ressortait plus tard, le regard halluciné et le bonnet totalement de guingois, serrant dans leurs moufles des dizaines de prospectus, parfois en double exemplaire, concernant les randonnées, les consignes de sécurité inhérentes à la montagne, la nature des roches, la location des chalets etc… A l’issue de cette stupéfiante découverte, de nombreux chercheurs et scientifiques observèrent à leur tour ce type de comportement et ce, dans toutes les communes de France susceptibles d’accueillir des Parisiens portant anorak aux couleurs criardes ou après-ski (ceux qui portent des raquettes subissent, eux, les effets du syndrome de Roland Garros). D’après le professeur Azar, c’est le changement radical et brutal du cadre de vie qui est à mettre en cause dans la mise en place de cette terrible maladie : les pieds du Parisien habitués au bitume se mettent à batifoler dans la neige dont la texture froide et immaculée leur rappelle les îles flottantes de leur mémé, les yeux du Parisien cherchent désespérément une vitrine, un horodateur auquel se raccrocher mais ils ne trouvent aucun obstacle et se laissent tournoyer dans le cercle vicieux du Panorama à 360°, quant aux oreilles de la pauvre créature, elles se demandent où le double-vitrage a bien pu être caché et finalement, le cerveau ne trouvant pas de guichet de la poste où exprimer son mécontentement, jette son dévolu sur les mots fléchés de "La Gazette Enneigée".
L’ensemble de ces phénomènes engendrent alors chez le patient une impatience, une envie frénétique de marcher, de bouger, de mettre du baume à lèvres fluorescent, de faire du ski, de la luge, de manger une raclette, de boire du vin chaud, de jouer au Scrabble, de graver son nom sur le tronc d’un sapin, de faire sécher ses chaussettes sur le radiateur, de prendre des coups de soleil, de sauter, de slalomer, de schusser, de se vautrer, de planter le bâton, de planter le bâton, encore et toujours, bref : de se dépenser tout en dépensant.
Notre malheureux blogueur de la capitale va donc, une fois encore ( Jean-Claude souffre depuis plusieurs années déjà!) connaître l’appel impérieux des hauteurs célèbres, une fois de plus il va devoir quitter sa vie de normalité, il va être arraché, bien malgré lui, à son écran d'ordinateur et, tel Frison Roche, va se retrouver projeter cors aux pieds et âme dans l’aventure transcendantale des paradis artificiels de l’activité sportive et géologique de l’avalanche touristique…
Mais combien de temps encore Jean-Claude devra-t-il supporter cet enfer ?
Et vous, attendrez vous qu’un proche, un ami ou votre boulangère soit touché pour vous sentir concerné? Agissez dés maintenant, IL EXISTE UNE SOLUTION ! Vous pouvez aider Jean-Claude ainsi que tous les autres (les habitants de la région parisienne sont également visés par cette menace), une grande collecte de boules à neige est actuellement organisée au niveau nationale, si vous désirez y participer, il vous suffit de déposer toutes les boules à neige dont vous ne vous servez plus (et dieu sait s’il y en a) dans le laboratoire d’analyses médicales le plus proche, toutes les boules ainsi récoltées seront ensuite redistribuées aux petits Parisiens qui n’ont pas la chance d’en avoir.
Nous comptons sur vous, Jean-Claude compte sur vous, AIDEZ LE, même si, et je ne le sais que trop bien , la présentation de son blog qui est digne de la Caisse d'Allocations Familiales vous dégoutte, même si son regard esthétique autant que littéraire vous semble aberrant (que penser d’un homme qui nie l’importance des poils dans toute œuvre, Caillebote n’utilisait-il pas de pinceaux Monsieur Dusse?) même si, chers amis, tout cela est fort justifié, il faut transformer votre répugnance en pitié et prendre la charrue avant les bœufs et on n’a rien sans rien.

ENVOYEZ vos boules à neige à Jean-Claude car, s’il ne va pas à la montagne, c’est la montagne qui viendra à lui.

Merci, et surtout: soyez prudents!























janvier 11, 2005

Doisneau dans le nez




Ciel mon mari !
Voilà une expression pour le moins commune dans tous les endroits de la terre où il existe encore un ciel
et des maris.
Dans la grande ville où je me suis rendue, le ciel a disparu.
Pfuuuit.
Les habitants de la grande ville ne connaissent pas le torticolis, ils marchent en regardant le sol, probablement à la recherche d’une flaque d’eau où des bouts de cieux seraient parvenus à se faufiler vers une réflexion, aussi faible fut-elle..
N’étant pas moi même une habitante de la grande ville, j’ai passé pas mal de temps à guetter le cumulus mais mon regard se heurtait systématiquement à une fenêtre, un balcon, un mur orbe, quelque chose de haut, un sommet.

Donc, non: rien de rien.
Je ne guettais plus rien.

Certains habitants de la grande ville, probablement des rebelles, s’obstinent cependant à sortir du rang et cherche tant bien que mal ce ciel qui leur fait défaut, la loi interdit et punit sévèrement quiconque « aura le nez au vent » (art. 37), ils détournent donc cette interdiction par le biais d’un exercice de contorsion pour le moins impressionnant.



Je ne me sentais pas prête à tenter le grand écart, il ne me restait donc qu’à prendre mon vertige en patience. J’empruntais alors un moyen de transport chaud et troglodyte pour me déplacer d’un point à un autre de la grande ville, ce qui me permit de vivre, pendant quelques heures, la vie trépidante d’une mycose de pied, j’ouvrais ensuite le diaphragme de mon Canon au maximum et je me mettais à observer ce qui se passait devant mon nez.
Mon nez en fut ébahi.



Dans cette grande ville, berceau du romantisme, les roses poussent au fond des poubelles dans des bouteilles en plastique recyclable et les pommes s’offrent au chaland à longueur de nuit.



Ici, les morts dorment sous les ponts. Sans concessions.

Ici, on applique aux arbres le principe dit de « la queue qui choit ». Cette méthode est normalement usitée dans les campagnes, moi même je l’ai connue lorsque j’avais 8 ans, ce qui prouve que la grande ville a gardé une âme d’enfant. Le principe dit de « la queue qui choit » consiste à mettre un élastique très serré autour de la queue d’un agneau, au bout de quelques jours, la queue, privée d’afflux sanguin, tombe d’elle même. Ce principe, appliqué aux arbres de la grande ville au mois de Septembre, permet donc de faire tomber les feuilles sans cors, ni cris.



Les habitants de la grande ville sont fort nombreux, de plus, ils sont forts nombreux, or, l’union fait la force, ainsi, il n’est pas rare de rencontrer un groupe de personnes (ici trois) qui se serrent les coudes contre l’ennemi (ici, un lampadaire)




Ici les vernissages ont lieu en plein air et les petits fours restent un peu sur l’estomac
ici le radeau de la méduse s’est échoué en jogging dans un jardin public
ici tout est en deux-tiers un-quart
ici on accepte les tickets restaurant
ici il y a de l’ombre
ici il y a de la lumière
ici il y a des chiffres
ici il y a des lettres
ici les flippers sont sympathiques
ici il y a des gens, des rues, des flics.
Tout ce qu’il faut pour faire une ville.



































Je reviendrai surement.
Quand les ampoules auront été changées.